Si elle se maintient, la forte hausse du nombre d’immigrants au Canada se traduira par un accroissement de la pénurie de logements, des taux d’intérêt plus élevés et des difficultés accrues à répondre aux besoins en matière de santé, de filet social et d’infrastructures, estime une étude de la Banque TD.
La population canadienne a augmenté de 1,2 million de personnes l’an dernier, soit de plus du double qu’en 2019, avant que ne survienne la pandémie de COVID-19, et pas tellement moins que la population américaine (+1,7 million), pourtant près de 10 fois plus importante.
Cette forte hausse démographique est principalement le résultat d’un accroissement important du nombre d’immigrants, mais plus encore de celui des résidents non permanents, qui ont compté pour 60 % des nouveaux arrivants en 2022, observe la banque canadienne dans une analyse dévoilée mercredi.
Censée soutenir la croissance économique et contribuer à la réponse aux défis posés par le vieillissement de la population, cette « grande migration canadienne » menace toutefois de venir aggraver d’autres problèmes en provoquant un afflux « trop marqué et trop rapide » de nouveaux citoyens et consommateurs, y expliquent les économistes Beata Caranci, James Orlando et Rishi Sondhi.
C’est le cas notamment dans le marché de l’habitation, qui avait déjà du mal à répondre à la demande. Avant la dernière augmentation du nombre d’immigrants, on entrevoyait déjà un manque à gagner de 215 000 logements entre 2023 à 2025.
Dans le cas peu probable d’un retour immédiat aux anciennes moyennes migratoires, on devrait déjà s’attendre à un déficit de 150 000 logements supplémentaires. Mais si la tendance de l’an dernier devait se maintenir, on pourrait plutôt voir s’accroître la pénurie d’environ un demi-million d’habitations en seulement deux ans. Et les récentes politiques gouvernementales visant à accélérer la construction n’y pourront probablement rien, en raison notamment du temps que met toujours le marché à répondre à la demande.
Choc de la demande
Le secteur du logement ne sera pas le seul touché par cet « exemple classique de choc de la demande », prévient la TD. En 2019, le Canada arrivait déjà au 31e rang sur 34 pays pour le nombre de lits d’hôpital par habitant pour les soins de courte durée. « Ce classement ne s’est probablement pas amélioré compte tenu de l’augmentation rapide de la population. »
La capacité de réponse aux besoins en matière de filet social et d’infrastructures publiques ne manquera pas aussi d’accuser le coup.
Ce décalage entre la demande exercée par tous ces nouveaux consommateurs venus de l’étranger et une offre qui a besoin de temps pour développer les moyens d’y répondre se fera sentir dans l’économie tout entière, poursuivent les économistes de la TD, ce qui se traduira par une pression à la hausse sur les prix et les salaires. Ils estiment qu’en maintenant ses cibles actuelles d’immigration, le gouvernement fédéral forcera la Banque du Canada à garder ses taux d’intérêt un demi-point de pourcentage plus haut qu’elle ne l’aurait fait autrement pour garder la maîtrise de l’inflation.
« Bien que la croissance de la population soit une bonne chose et un remède nécessaire au vieillissement de la population du pays, disent-ils, les avantages s’effritent si elle se produit trop rapidement par rapport à la capacité d’un pays de planifier et d’absorber de nouveaux arrivants au sein de l’infrastructure économique et sociale. »
Selon les premières indications, l’accélération rapide de la croissance démographique se poursuivra au moins jusqu’à la fin de 2023. En effet, le Canada s’est déjà beaucoup trop engagé, notamment dans l’accueil de travailleurs étrangers temporaires et d’étudiants étrangers, pour qu’un renversement de situation soit possible à court terme.
Les économistes de la TD encouragent les gouvernements à déployer plus d’efforts afin de mieux utiliser la main-d’oeuvre déjà disponible, y compris celle issue de l’immigration. Après tout, le Canada est loin d’être un modèle en matière de productivité, et son réflexe de se tourner d’abord vers l’accueil de plus d’immigrants ne fait rien pour améliorer la situation.
Source: ledevoir.com