Un peu plus d’un an après avoir atteint pour la première fois son objectif de 4,4 %, Ottawa envisage d’augmenter la cible d’immigration francophone hors Québec pour renverser le « déclin des communautés francophones en situation minoritaire ».
« Quand on regarde les gens qui parlent français, que ça soit à l’intérieur du Québec ou hors du Québec, le français est menacé dans une mer d’anglais », a reconnu le ministre canadien de l’Immigration, Marc Miller. « Je suis totalement d’accord que le français est menacé en Amérique du Nord », a-t-il ajouté, tout en refusant de dire si la langue de Tremblay est en « déclin » à travers le pays.
En 2022, le Canada a atteint pour la première fois sa cible d’immigration francophone hors Québec, fixée en 2003. L’année dernière, plus de 16 300 immigrants francophones se sont installés à l’extérieur de la province, ce qui représente au total 4,4 % de cette catégorie d’immigrants.
Or, depuis la modernisation en juin de la Loi sur les langues officielles, le gouvernement fédéral s’est engagé à rétablir le poids démographique des communautés francophones en situation minoritaire à ce qu’il était en 1971, soit 6,1 %.
Mercredi soir, le conservateur Joël Godin et le bloquiste Mario Beaulieu ont vigoureusement questionné le ministre Miller, au Comité permanent des langues officielles. Venu témoigner sur l’immigration francophone au Canada, le successeur de Sean Fraser a indiqué souhaiter établir la cible à 6 %, pour « répondre à l’enjeu du déclin des communautés francophones en situation minoritaire », une « priorité phare pour les prochaines années ».
Un sujet sur lequel il s’est dit prêt à collaborer avec Québec, alors que Mario Beaulieu l’interrogeait sur le risque de puiser dans le bassin d’immigration de la province. « Les bassins d’immigration francophone sont pas illimités, donc, il faut essayer de se coordonner pour pas se nuire mutuellement. Mais vous semblez être ouvert à ça, j’en suis content », a répondu le porte-parole en matière de langues officielles pour le Bloc québécois, après que M. Miller lui a assuré que le Canada n’allait pas « voler quoi que ce soit à qui [que] ce soit ».
Des mécanismes plus robustes
« J’aimerais monter à 6 [%], mais ça, c’est une augmentation de 50 % d’une cible qui a été difficilement réalisable. Donc, ça va prendre de l’ambition, ça va prendre des mécanismes qui sont en place pour assurer la pérennité du système, quitte à pouvoir l’augmenter par la suite. »
Malgré le peu d’ambition que représentait l’ancien objectif, selon le ministre, les « mécanismes qui étaient en place pour pouvoir atteindre le 4,4 % n’étaient pas aussi robustes qu’on aimerait les voir ». M. Miller a reconnu qu’il y avait notamment « de l’effort à faire en termes de personnel et de ressources ».
La révision envisagée de la cible est encore loin du taux réclamé depuis avril 2022 par la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA). Celle-ci souhaiterait que le gouvernement fédéral mette en place une cible de 12 % dès 2024, qui atteindrait les 20 % d’ici 2030.
S’appuyant sur une « étude statistique », la FCFA clame qu’« aucun chiffre sous la barre des 10 % ne suffirait à freiner le déclin démographique de la francophonie ». « Soyons très clairs, une telle cible [de 6 %] ne serait ni suffisante ni acceptable pour nos communautés », avait-elle écrit lors de la rentrée parlementaire.
Ce reportage bénéficie du soutien de l’Initiative de journalisme local, financée par le gouvernement du Canada.
Source: ledevoir.com